Depuis toute petite, Rosemary Okla, 40 ans, voulait faire partie des rares femmes à lancer une dynamique dans le domaine des sciences et technologies dans son pays natal, le Ghana. Après l’obtention d’un diplôme en génie géologique à l’Université des Mines et Technologies à Tarkwa, elle a poursuivi ses études en sciences appliquées et géoinformatique au Pays-Bas et en Allemagne.
« Il y a peu de femmes sur le terrain. Je voulais poursuivre dans cette voie pour faire ce que les hommes font », dit cette mère de deux enfants. « J’ai ensuite rapidement réalisé qu’il y avait trop de voyages sur le terrain requis et que je n’avais plus de temps à dédier à ma famille. Je me suis donc tourné vers les Systèmes d’Informations Géographiques (SIG) qui étaient exploitables étant une ingénieure géologue.
Rosemary travaille désormais à l’Autorité de Géologie du Ghana, où elle est responsable pour les activités SIG au sein de la division de la gestion de l’information. Elle a participé, en tant que fonctionnaire, à l’atelier de formation du Programme ACP-UE en faveur des Minéraux du Développement en mars 2016.
« J’étais très curieuse à propos du concept de ‘Minéraux du Développement’ et ce que cela signifiait, particulièrement l’idée que cela était un secteur négligé », explique-t-elle. « Au Ghana, il y a plus d’intérêt dans les métaux à valeur importante (les minéraux importants), mais il y a des cycles d’expansion et de ralentissement, et les ralentissements affectent le pays entier. Mais si nous arrivons à mieux comprendre que les ‘minéraux du développement’ et investir dans ce secteur, le pays résistera davantage aux ralentissements parce qu’il y aura une autre source de revenu ».
Compter sur des marchés domestiques existants aide les petits producteurs à être plus résilient, étant donné qu’ils ne dépendant pas des prix qui peuvent fluctuer de manière importante et soudaine. En outre, les opérations des Minéraux du Développement génèrent de l’emploi dans les communautés locales.
« Il y a trop de minéraux qui n’ont pas encore été explorés au Ghana. Ils ne valent peut-être pas grand-chose mais ils ont un impact dans notre pays et j’étais inspirée en découvrant que les Minéraux du Développement peuvent créer plus d’emplois pour plus de personnes », ajoute la spécialiste en géoinformation qui est aussi une conférencière à temps partiel à l’Université Radford. « A Accra, nous avons du sel, du sable, de l’argile, du granite, du gravier, de l’ardoise. Certains sont extraits par des opérations de petite échelle, mais si les opérateurs manuels avaient l’argent pour investir dans des équipements, ils pourraient agrandir leurs activités et créer de l’emploi pour les populations locales ».
Etant donné la tendance croissante d’urbanisation dans le pays d’Afrique de l’Ouest, il y a une demande constante pour les Minéraux du Développement largement disponibles dans les alentours d’Accra. « En ce moment, les gens utilisent des méthodes artisanales, travaillant souvent à la main, mais s’ils obtenaient un concasseur ou une machinerie simple, ils produiront plus et couvriraient la demande ».
Après avoir participé à l’atelier, Rosemary a décidé d’utiliser ses compétences pour trouver quels Minéraux du Développement sont disponibles au Ghana, et a décidé de commencer à Accra. Avec l’aide de ses étudiants, elle a visité près de 20 sites dans l’aire métropolitaine afin de collecter des informations sur les Minéraux du Développement, les opérations existantes et leur impact sur l’environnement. Rosemary et son équipe ont développé une série de cartes désormais disponibles au bureau du Recensement Géologique.
« Lorsque je dis aux gens que le besoin d’investir dans les Minéraux du Développement et le nombre de jobs qui pourrait en résulter, ils peuvent difficilement le croire. Ils me demandent toujours pourquoi nous n’en avons pas pris conscience ? » déclare Rosemary. « Je leur dis que je l’ai moi-même juste découvert mais souhaite maintenant en faire la promotion. Je me suis convertie et veux convertir d’autres personnes ».
Natalie Mufalo, 48 ans, est née en Zambie. Après avoir vécu plusieurs années au Royaume-Uni et aux USA, elle a décidé de retourner dans son pays de naissance il y a 6 ans.
« Ma famille ne comprenait pas pourquoi je voulais y retourner et me disait d’envoyer de l’argent à la place. Mais j’y suis retournée parce que je ressentais le besoin de redonner à mon pays », explique Natalie. « Je vis dans une forme dans la région du sud. Il ne faut pas aller bien loin pour voire la pauvreté et les gens travailler avec de l’argile. Je me sentais attirée par ces femmes qui travaillaient l’argile. »
Natalie a participé au Partage du Savoir au Kenya, un événement régional de trois jours sur l’égalité des genres dans les industries extractives, co-organisé par le Programme ACP-UE en faveur des Minéraux du Développement et les Bureaux Régionaux d’Afrique Australe et de l’EST de UN Women (ESARO). L’événement était une opportunité de formation et de se construire un réseau avec 450 représentant de la société civile, gouvernement, opérateurs privés et autres groupes, principalement de l’Afrique Australe et de l’Est. Il y avait aussi des délégués représentants des bailleurs de fonds, ambassades, ONGs, et autres parties.
« C’était une révélation. Jusqu’alors, je ne pouvais pas voir comment l’extraction de l’argile et la fabrication de pots en argile pouvaient jouer une différence dans le développement » ajoute Natalie. « J’ai appris quant au travail de plaidoyer. Je ne savais pas qu’il était possible de parler aux gouvernements et autres à propose de ce travail. J’ai appris beaucoup, et plus que ce que j’imaginais ».
Depuis l’événement, Natalie a mis en place une organisation constituée de quatre personnes qui fournit des formations et des outils primaires pour la poterie en argile pour les femmes pauvres dans des villages isolés de l’aire Chinkankanta dans le sud de la Zambie. Jusqu’à aujourd’hui, l’organisation a soutenu 26 femmes minières d’argile, et ils prévoient d’atteindre jusqu’à 150 personnes en un an. Natalie et son équipe travaillent avec un membre désigné de la communauté qui a un téléphone mobile et mène des ‘groupes d’auto-développement’.
« Les groupes sont appelé ‘d’auto développement’ car les femmes font tout le travail elles-mêmes. Nous les aidons pour leur formation et la gestion de l’argent mais elles doivent néanmoins le faire. Nous voulons qu’elles puissent compter sur elles-mêmes et faire de bons produits, afin qu’elles puissent avoir un impact sur toute leur communauté ».
Natalie croit que ce travail peut aussi amoindrir la violence des genres et la dégradation environnementale tout en améliorant les compétences de gestion financières des femmes.
« Quand les femmes se rassemblent, d’autres problèmes sont soulevés, comme la violence de genre. Les gens sont forcés de se marier avec leurs filles quand ils sont très jeunes. Le VIH est aussi un autre problème”, dit Natalie, expliquant que ces discussions peuvent aider à émettre des avis et un soutien pour d’autres défis liés au développement des communautés.« L’atelier m’a donné une toute nouvelle énergie pour ce travail qui me porte à cœur. Pour les femmes que nous formons au travail d’argile, c’est une façon de créer un peu d’argent en dehors de la fabrication de pots en argile, nécessitant un art ancien que tout le monde au village connait ».
Natalie affirme que les femmes peuvent conduire au changement dans les économies locales, si elles ont le soutien nécessaire. Par exemple, l’argile bentonite, un type d’argile trouvé dans les régions du sud de la Zambie, peut être utilisée dans les produits de beauté, ce qui peut ouvrir beaucoup d’opportunités pour les petites entreprises dirigées par des femmes.
« Certaines personnes n’ont pas besoin de beaucoup pour continuer à avancer. Si vous calculez le coût de la vie quotidienne, vous seriez surpris de voir la petitesse du chiffre comparer aux dépenses moyenne des pays du Nord. J’ai vécu dans les deux mondes. Ils ne demandent pas la charité. Nous devons les aider à aller de l’avant en utilisant ce qu’ils ont déjà », conclut-elle.Née au Kenya, Caroline Ngonze est une fonctionnaire internationale engagée en matière de développement durable. Ses années d’expérience dans les domaines de l’aide internationale et des systèmes de développement l’ont convaincue que l’autonomisation économique – particulièrement celui des femmes - est la clé pour éradiquer la pauvreté, et engager une égalité des genres et une croissance économique inclusive.
« Mon travail m’a amené à être confrontée à la pauvreté criante des communautés avec lesquelles je travaillais, et où la vie se résumait à travailler pour survivre. Ce qui est ressorti le plus pour moi était qu’une fois qu’un foyer – particulièrement ceux menés par des femmes – obtenait une certaine forme d’autonomie économique grâce à une activité qui générait un revenu, même dérisoire, il y avait une amélioration notable au sein du même foyer et dans la famille élargie », explique Caroline.
En tant employée des Nations Unies et se concentrant sur le développement en Afrique, Caroline savait que beaucoup de cadres politiques africains visent à exploiter les industries extractives pour amener à une croissance économique, comme la Vision Minière en Afrique et l’Agenda de l’Union Africaine 2063.
« Ces initiatives m’ont amenée à m’interroger sur le rôle des femmes dans le secteur extractif et, assez rapidement, une opportunité de travailler dans le secteur minier artisanal et à petite échelle (ASM) dans le cadre de la Vision Minière en Afrique est apparue » rappelle-t-elle. Caroline a mené un programme de recherche et d’analyse sur la situation des femmes impliquées dans le secteur ASM au Ghana, Guinée (Conakry), Tanzanie, République Démocratique du Congo et Zambie.
« Interagissant avec des femmes qui travaillent dans ce secteur était une révélation. J’ai parlé à des femmes qui possédaient des mines, mais devaient emprunter de l’argent pour voyager à une réunion ou un atelier. Les femmes se faisaient également escroquer sur les revenus qu’elles généraient par des hommes peu scrupuleux » explique la mère de trois jeunes enfants. « Il y a aussi des femmes qui devaient tenir à l’écart des gangs d’hommes de leurs concessions minières. Ces hommes présumaient qu’un site appartenant à une femme pouvait être envahi sans résistance ».
Cependant, Caroline rappelle l’optimiste des femmes minières, ce qui lui a confirmé que le secteur ASM a un grand potentiel pour améliorer la qualité de vie, si les bonnes mesures, pratiques et soutien sont disponibles. Elle a rejoint le Programme ACP-EU en faveur des Minéraux du Développement spécifiquement pour aider à débloquer ce potentiel.« Je savais qu’il y avait une demande importante pour les matériaux de construction et les pierres de taille en raison du boom des constructions dans les villes africaines. Mais je ne savais pas que le sable et le gravier apportent une rentabilité économique quatre fois plus importante que l’or ou même le cuivre », explique Caroline, ajoutant que ces gains économiques inclus la création d’emplois et la réduction de la pauvreté.
Le Programme ACP-UE en faveur des Minéraux du Développement est un programme de renforcement des capacités permettant aux parties prenantes – mineurs, gouvernements et société civile – de tirer au mieux profit du potentiel du secteur. Le programme sponsorise des participants pour prendre part à des formations couvrant une variété de thématiques et, en retour, ils développent des ‘plans de retour au travail’. Ces derniers soulignent comment ils entendent appliquer le savoir et compétences acquises.
« C’est très inspirant de voir ce que les gens trouvent. Nous avons un ancien participant qui utilise les pavés pour construire des routes rurales à Madagascar, ce qui améliore l’accès à certaines zones lors des saisons pluvieuses et permet d’assurer une sécurité alimentaire aux communautés marginalisées. D’autres cartographient les Minéraux du Développement au Ghana, pour qu’ils soient inclus dans les inventaires de données géo localisées. D’autres triple les revenus de communautés pauvres en Zambie en améliorant l’utilisation de l’argile et des briques dans des ‘entreprises de femmes’, ajoute Caroline qui poursuit également un doctorat en politique publique.
« Ces changements tangibles qui améliorent les conditions de vie sont très gratifiants. Comme quelqu’un l’a récemment dit, ‘Oubliez la Chine et l’Inde, les femmes sont la prochaine grande chose’ », dit-elle pour conclure.Le Programme ACP-UE en faveur des Minéraux du Développement est une initiative du Groupe des Etat d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), coordonnée par le Secrétariat ACP, financée par la Commission Européenne et Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui en est aussi le maitre d’œuvre. Ce Programme triennal de renforcement des capacités de 13,1 millions d'Euros vise à renforcer le profil et améliorer la gestion des Minéraux du Développement en Afrique, aux Caraïbes et au Pacifique. Le secteur englobe les minéraux industriels, les matériaux de construction, les pierres de taille et les pierres semi-précieuses.